Ils sont partis à 8 heures, dimanche matin, de Tontouta. Les moins rapides sont arrivés à Païta lundi en fin d’après-midi, avec 110 kilomètres de course (ou marche) dans les jambes. Beaucoup ont pensé abandonner. Seuls 7 l’ont fait, sur 120 au départ.
Légende Photos K.P. et Sport action
Et si Jean de La Fontaine s’était trompé ? « Rien ne sert de courir, il faut partir à point », moralisait-il dès la première ligne du Lièvre et la Tortue. Le poète français, décédé en 1695, n’a évidemment pas connu la 1re édition de l’Ultra trail de Nouvelle-Calédonie. Mais s’il avait été là, aurait-il écrit la même chose ?
D’accord, il ne fallait pas manquer le départ, donné dimanche, 8 heures, depuis la propriété Pasco, à Tontouta. Il ne fallait pas non plus jouer à l’âne, comme l’a fait le lièvre. Pensant « qu’il y va de son honneur de partir tard, il broute, il se repose, il s’amuse à toute autre chose qu’à la gageure… »
Certes ! Mais contrairement à ce qu’écrit littéralement La Fontaine, il était vivement recommandé de courir, au moins un peu, pour voir l’arrivée, à l’Arène du Sud, à Païta, lundi avant la tombée de la nuit. Malgré toute notre sympathie, la gentille tortue aurait fini hors délai…
« 70 % de marche et 30 % de course »
Si le premier relais, composé de Jérémy Rouxel, Franck Chatchueng et Alexis Luapre, a bouclé les 110 km dans un temps canon de 12 h 15’51, et que le vainqueur en solitaire, Christophe Loubriat, 48 ans, a levé les bras tard dimanche soir, après 15 h 11’37 d’efforts, six concurrents (Jorgen Clausager, Xavier Perrin, Pascale Delrieu, Mélanie Bertrand, Noémie Vettard, Louis Louarn) et une équipe (Jean-François Burck, Jean-Yves Kerleguer, Jean-Yves Azam) ont, eux, mis plus de 30 heures. A ce rythme, plus proche de la tortue que du lièvre, beaucoup de marche, mais aussi un minimum de course.
Pour Kévin Coma, par exemple, coach sportif, 32 ans, sourire aussi large au départ qu’à l’arrivée, qu’il a atteint en 103e position en 28 h 43’14, la proportion a été de « 70 % de marche et 30 % de course ». Epuisant. « Ça a été dur, confirmait-il hier matin, avant de reprendre le travail dans l’après-midi. Je connais mon point faible : la gestion du sommeil. » Dans son périple, Kévin aura « dormi quarante-cinq minutes près d’un feu, au bord d’une rivière, vingt-cinq minutes dans une crevasse, avec la couverture de survie, mais j’étais congelé, et une heure et demie au PC4 », au 78e km.
Loin d’être dégoûté, il rêve maintenant d’un 160 km, dans les Pyrénées de son enfance.
Cinq kilomètres en cinq heures
Ce fut encore plus long, plus dur, pour Louis Louarn, 24 ans, agent de la province Nord, dernier classé (113e sur 120, sept concurrents ayant abandonné) en 32 h 23’23. Il espérait arriver lundi « vers midi ». Ce fut finalement à 16 heures, retardé par « un problème au genou gauche » à partir du « 60e ou 70e km ». Le début de la galère. « L’avant-dernière descente, de 5 km, dans les cailloux, et la nuit, j’ai mis 5 heures à la faire ! Je n’avançais pas. Horrible ! » A-t-il songé à mettre le clignotant ? « Je n’ai pas arrêté d’y penser… » Il a finalement été au bout. Avant de rentrer à Touho, en voiture (« je ne conduisais pas »), lundi soir. Chez lui « à minuit », avant une « grasse matinée jusqu’à 9 ou 10 h », hier. Puis repos, encore… « J’ai pris ma journée… » Laurent Chailleux, 107e en 29 h 57’25, arrivé lundi après-midi, reprenait, lui « le travail à 5 heures », hier matin… Anne Gratier de Saint Louis, 100e en 28 h 16’48, avait, elle, anticipé. « J’ai une semaine de vacances pour m’en remettre. » Il faudra au moins ça. Qu’on soit plutôt lièvre ou tortue.
Anthony Fillet, avec Karine Payen