
Samedi matin, à Boulari, pour la reprise de la saison, Angélique Plaire ne gagnera pas. Elle est enceinte de huit mois. Ce sera son premier enfant. Un bouleversement, mais pas de quoi lui faire ranger ses baskets.
Angélique court beaucoup : 8 190 kilomètres en 2018, avec 93 850 mètres de dénivelé positif. Elle court vite, aussi, puisqu’elle a par exemple fini première féminine et dans le top 10 au classement général lors des trois dernières éditions de l’Ultra trail de Nouvelle-Calédonie (UTNC). Ces huit derniers mois, elle a toutefois ralenti la cadence.
« Je ne fais plus mes 170 ou 180 kilomètres par semaine… Par contre, peu importe qu’il pleuve ou qu’il vente, je fais quand même 6 ou 7 kilomètres par jour, en alternant marche et course à pied plutôt tranquille. Plus une séance de musculation chaque jour et du crossfit environ trois fois par semaine… »
« Angèle » est un peu plus essoufflée qu’avant sa grossesse, notamment dans les côtes, mais elle est en forme.
« Si je n’avais pas mon gros ventre, je sais que j’arriverais à courir correctement, ma foulée est toujours là… Parfois, sur la promenade Pierre-Vernier, je me mets à trottiner et à doubler des gens : ils regardent mon ventre avec des gros yeux, puis ils sourient… Ça me fait rire ! Ça montre, aussi, qu’une femme enceinte n’est pas une femme inactive… Ma grossesse se passe bien, mon gynéco ne m’a pas déconseillé le sport, alors pourquoi arrêter ? Surtout si tu as déjà l’habitude d’en faire. » Alors Angélique a « acheté un vélo de course », qu’elle compte dans un premier temps utiliser « à la maison, sur un home trainer ».
Première course espérée fin mai
Dans son ventre bouge une petite fille. Elle est attendue pour le mois prochain. « On a tellement hâte de la rencontrer… Elle est arrivée quand elle a voulu, par surprise, et aujourd’hui je ne me verrai plus sans elle », pose la traileuse, l’une des plus complètes du territoire depuis plusieurs années.
On pourrait éventuellement la revoir sur « une randonnée de 20 kilomètres mi-avril au Trail des cagous », mais son début de saison 2020, Angélique l’envisage pour le dernier week-end de mai, avec l’UTNC, environ deux mois après l’accouchement. « J’ai envie de le faire pour Daniel Bonnefils, l’organisateur, qui y met vraiment du cœur pour nous faire un bel événement. J’aurai aussi besoin d’une course test, pour me refaire un peu confiance. Parce que, même si tout le monde pense que je gagne facilement, en fait la veille et le matin des courses je suis quelqu’un de très angoissée… Alors, si mon corps a bien récupéré, sur l’UTNC je vais essayer de faire soit le parcours de 72 kilomètres, soit celui de 132… »
Une mise en jambes avant sa « plus grosse échéance de l’année, fin août dans les Alpes, l’Ultra-trail du Mont-Blanc (UTMB), une course de 170 kilomètres, d’un niveau mondial. Tout le monde me dit que c’est un peu ambitieux, mais je pense que si tu n’as de projet ou d’échéance, finalement tu n’avances pas trop. Je me connais, je connais mon corps, je sais que ce ne sera pas facile, je ne suis pas surhumaine, mais je ne m’inquiète pas, parce que je sais qu’avec mon compagnon, Thomas Hirigoyen, qui fait lui aussi du trail, on sera deux pour gérer cet enfant. Et puis, j’ai ma mère qui pourra m’aider aussi. »
« Sur la ligne de départ, je serai toujours la même »
Si tout se passe bien, après l’UTNC et l’UTMB, la coach sportif se lancera « en fin d’année » sur une « autre traversée, un autre challenge, plutôt dans le Nord », sur un format hors compétition proche (216 kilomètres) de celui qu’elle a effectué l’an passé dans le Sud. Puis, pour 2021, l’année de « la vraie reprise » post-maternité, la perspective d’un trail au Japon et d’un autre en Afrique du Sud motive la Calédonienne. Angélique est sereine à l’idée de rapidement retrouver son niveau des dernières années, qui l’a vu grimper sur des podiums en Métropole, en Australie ou en Nouvelle-Zélande. « J’ai un coach en France que j’ai pris récemment, Antoine Guillon, c’est un athlète. Pour le premier mois après l’accouchement, il va me faire, à distance, un programme pour ne pas que je me décourage, parce qu’il y aura du poids à perdre et qu’il faudra que je retrouve de la vitesse… »
Jusque-là, la trentenaire (elle fêtera ses 31 ans le 28 juin) a gagné une taille. « Je suis passée du S ou M, et maintenant j’ai de la poitrine… », se marre-t-elle, avant de rappeler : « Donner la vie, ça éblouit tout le monde, moi la première. J’ai maintenant un regard sur moi qui est complètement différent. Tu t’adoucis… Par contre, sur la ligne de départ je serai toujours la même ! »
« La poussette est déjà prête »
Ses concurrentes peuvent déjà trembler. « Au début, cette pause m’a fait bizarre, moi qui étais à fond depuis quatre ans ! Du coup, maintenant j’ai tellement envie de courir, de reprendre la compétition, parce que j’adore ça, que quand je vais le faire je me donnerai les moyens d’y arriver. Ma fille sera évidemment ma priorité, mais je crois qu’à partir du moment où tu fais les choses correctement et où tu as envie, il n’y a rien qui puisse te freiner… »
« La poussette est déjà prête » pour aller courir en famille à Pierre-Vernier. « Et puis, c’est sûr, la petite va très vite faire des randonnées dans le sac à dos… » Un enfant qui, avant de naître, compte déjà trois victoires à son palmarès : la Gigawatt, la Transcal et le Trail de l’espoir. « Sur ces trois courses j’étais enceinte : ça allait, à part au Trail de l’espoir où j’étais vraiment malade, j’ai vomi sur la fin d’ailleurs… »
« Angèle » oublie de dire que ce jour-là, comme tant d’autres, elle a gagné… « Maintenant, sur les trails je sais que ma fille et mon compagnon m’attendront à l’arrivée, alors je vais courir encore plus vite… » On peut faire confiance à la future maman.
Les victoires appartiennent à celles qui se lèvent parfois très tôt

Marie-Cécile Cavell, en famille à l’arrivée. Photo D.R.
Angélique explique « avoir un grand respect » et être « admirative des sportives qui travaillent et qui sont aussi des mamans ». C’est le cas d’au moins deux de ses concurrentes, dont Marie-Cécile Cavell, 40 ans, mère de trois enfants (4, 10 et 12 ans). Comment trouve-t-elle le temps pour s’entraîner environ « cinq fois par semaine » ? Et bien, elle dort peu, ou plutôt se lève tôt. « Avec mon mari, quand on prépare des courses longues, ça nous arrive de partir de la maison à 3 heures du matin pour aller s’entraîner… Sinon, c’est souvent vers 5 heures. Les enfants dorment… J’ai plus de scrupules à aller courir le soir, car après une journée d’école pour les enfants j’aime être avec eux. En fait, tout est possible, il faut juste être organisée et se donner les moyens de faire ce que l’on veut, même si c’est sûr que c’est plus simple de rester dans son canapé plutôt que d’aller marcher ou courir. »

Leslie Nowicki. Photo D.R.
Leslie Nowicki, 38 ans, a elle des petits de 5 et 8 ans. « Après chacune des deux naissances, je suis restée six mois avec l’enfant, j’ai fait un break avec le sport. J’en ai vraiment profité, ça n’arrive pas tous les jours de devenir maman… Puis j’ai repris, sans me mettre de pression. Pour une femme habituée à faire du sport, comme Angèle, il n’y a aucun souci pour ensuite revenir. Par contre, moi je n’ai pas le courage d’aller courir en pleine nuit comme Marie-Cécile ! Le sport, je le fais surtout le midi en semaine, c’est plus simple, les enfants sont à l’école. Par contre, le week-end si je dois sortir avec Ludo (Lanceleur), mon partenaire d’entraînement, ça nous arrive de partir à 4 heures et demi ou 5 heures du matin, pour être revenus chez nous pas trop tard… Mais j’ai surtout la chance d’avoir un mari qui est très disponible et qui me laisse beaucoup de temps, ce qui me permet de concillier sport et vie de famille.