Une rando de 19 heures…
Les huit cents participants qui ont sillonné les sentiers de la Transcalédonienne, le week-end dernier aux alentours de La Foa, ont sans doute pris part à l’un des trails les plus rugueux jamais proposés sur le Caillou. Retour sur un long week-end de boue et de dénivellation.

La course ? Oui. Mais aussi le camping, les massages… et un diplôme pour tous les Transcalédoniens ayant bouclé cette 22e édition.
Photos A.C.
Et le pire, c’est qu’ils ont apprécié… Pas tous, certes. L’absence de la moindre surface plane, le long des 34 kilomètres du premier jour de course, doit même toujours en faire enrager quelques-uns. Les traileurs arrivés à bout de force sur l’un des postes de contrôle disséminés dans la Chaîne se rappelleront, quant à eux, davantage de leur rapatriement en hélicoptère que de l’épreuve à proprement parler. Mais il reste bien du monde à avoir accepté l’important défi physique lancé cette année par les organisateurs de la Transcalédonienne.
Réveil. À savoir une équipe de 130 bénévoles aux tâches bien définies, des responsables du tracé aux chargés des ravitaillements. Les premiers sur le pont ? Les préposés au petit déjeuner. « Le réveil pour nous, c’était à 2 heures, histoire de pouvoir assurer le premier service dès 4 heures », explique Stéphanie, qui vit là sa première Transcal’ côté coulisses. 4 heures donc, soit le moment d’émerger pour les quatre cents inscrits à la formule “tout compris” de la Transcal’ : traditionnellement un trail d’environ 35 kilomètres le samedi, puis un second avoisinant les 25 kilomètres le dimanche…
Si certains ont osé rompre avec l’essence même du rendez-vous, le sacro-saint bivouac en tribu (ils ont alors opté pour des allers-retours vers la ville ou les maisons secondaires de parents ou d’amis sur Lebris et Bouraké), la majorité des participants a fait le déplacement à Oua Tom avec la tente et les sacs de couchage bien logés dans le coffre… Cette année comme bien souvent, c’est le terrain de football qui fait office de camping. Le rectangle vert a vu pousser en l’espace de quelques heures un village, de “couche-tôt” certes, qui arrive pourtant à cultiver une ambiance de franche camaraderie entre habitants conscients de s’être embarqués dans la même galère
La galère, justement, débute dès 6h30 le samedi. La journée la plus folle. Les premiers mettront près de cinq heures trente à boucler le parcours aux 2 260 mètres de dénivellation ; les derniers ne feront leur retour sur Oua Tom qu’à la nuit tombante… Mais avant de rallier l’arrivée, ces équipes de trois “athlètes” – parfois au sens large – ont dû en découdre avec des murs d’ascension, des litres de boue, des innombrables crampes, une fatigue prématurée, des traversées de creeks plus profonds que prévus – un judicieux cordage sera même installé pour éviter aux participants d’être emporté par le courant… Une opération commando, en somme.
Cette dimension militaire, on la retrouve d’ailleurs jusque sous les grands tivolis aux nuances kaki de l’armée, là où sont dispensés les massages gracieusement proposés par l’Institut de formation aux professions sanitaires et sociales. Ambiance tout aussi spartiate sous la douche : une eau frisquette qui s’écoule dans des sanitaires de fortune, faits d’une immense bâche en guise de mur, maintenue par quelques mâts. Le charme de la Transcal’, c’est ça aussi.
Coutume. Il est temps pour Oua Tom, tribu décidément très courtisée par l’événement – elle en a été l’hôte à deux reprises en 1995 et 2005 – d’afficher son hospitalité. L’incontournable coutume d’accueil se déroule au terme de cette première journée, à 17 heures sur l’aire d’arrivée. Choix controversé, l’organisation a, cette année, décidé de s’implanter sur un seul site, rompant avec la tradition originelle qui était de traverser la Chaîne d’une côte à l’autre. De fait, la cérémonie coutumière, habituel coup d’envoi de la Transcal’ le vendredi soir, a pu être repoussée de 24 heures. « Tout simplement pour qu’elle puisse se dérouler devant davantage de personnes », pointe Christian Pérez, président de Défi Santé, l’association organisatrice, et exceptionnellement directeur de course sur cette 22e édition. En cette fin de samedi, la caravane de la Transcal’ double effectivement sa population à l’approche des multiples courses du lendemain.
Le village grossit à vue d’œil et l’ambiance s’allège encore : le plus dur est passé pour les engagés aux deux journées de course, et les “recrues” investissant les lieux avant les épreuves réduites ne sont pas habitées par cette même boule au ventre qu’ont pu ressentir certains participants la veille.
Puis rebelote : coucher prématuré, nuit courte et réveil matinal. Le dimanche, 7 heures, est donné le départ le plus massif du week-end. Six cents Transcalédoniens et “Trans-découvreurs” partent labourer 23 kilomètres de sentiers, pimentés de quelque 1 580 mètres de dénivelé cumulés. Rebelote encore : les abandons se succèdent, forcément. Et tandis que les vainqueurs lèvent les bras, que les valeureux athlètes handisport ponctuent de leur gaieté les arrivées sur site, et que les photos souvenir commencent à fuser, derrière, ça pousse toujours, et pour quelques heures encore. Les derniers, comme la veille, couperont la ligne d’arrivée tard dans l’après-midi. Une rapide opération à la calculette nous livre le verdict : ceux-ci, en un week-end, se seront offert une randonnée de plus de 19 heures.
Première certitude, ce sont les 4 et 5 juillet prochain que se tiendra la 23e Transcalédonienne. Deuxième et dernière certitude, c’est en province Nord qu’y sera dessiné le parcours. Pour le reste, tout se décidera au cours des mois précédant l’événement. Les neuf derniers mois plus précisément, l’organisateur en chef Christian Pérez se plaisant d’ailleurs à comparer la durée de conception d’une Transcal’ à celle « de la gestation d’un enfant ». Octobre marque donc l’entame des travaux pour l’association Défi Santé. Le choix du / des site(s) y est défini. Novembre, ensuite, voit les premières prospections auprès des tribus, municipalités et propriétaires terriens être opérées. Obtenir tous les accords et élaborer le tracé de course constitue ensuite l’étape la plus complexe. Ce n’est d’ailleurs qu’à la fin du mois de mars que le parcours définitif doit être acté. La campagne de médiatisation de l’événement peut alors débuter, début avril. Il reste alors trois mois aux Calédoniens pour se convaincre et se motiver à aller déposer leurs bulletins d’inscription.
Alban Colombel