Si les jambes étaient lourdes hier, deux jours après l’arrivée du trail des Cagous, André Bedas n’est pas encore prêt à ranger ses baskets. Photo C.G.
« Parfois, c’est de la souffrance à l’état pur, on se dit que c’est la dernière fois, mais le coup d’après, tu regardes les inscriptions et c’est reparti. » André Bedas, que tout le monde appelle amicalement « Dédé », est un passionné. Du haut de ses 75 ans, et alors qu’il va avoir 76 ans « début octobre », il s’est élancé samedi soir sur les 100 kilomètres du trail des Cagous.
Et après 22 heures, 1 minute et 15 secondes d’effort, il a franchi la ligne d’arrivée plus de deux heures avant le dernier concurrent. « Jusqu’au matin, je n’ai eu aucun problème. Après, j’ai commencé à avoir mal sous le pied, j’ai galéré un peu et j’ai été obligé de marcher. Il y avait des endroits assez hard, c’était difficile. Mais malgré la souffrance, j’ai bien aimé cette course », résume celui qui s’est classé 55e au classement général sur les 58 participants à l’arrivée alors que 22 ont abandonné. Il est également 1er de sa catégorie, en V4. « En soi, j’étais le seul », rigole-t-il en buvant son café « ramené du Vanuatu » et « fait maison ».
Une passion tardive
Une course de plus à son actif pour celui qui a commencé la discipline sur le tard, à 64 ans. « En 2006, j’avais envie de découvrir quelque chose de nouveau. J’ai donc décidé de partir au Népal pour faire le tour des Annapurnas en 14 jours avec trois copains », explique-t-il. A plus de 60 ans, il est alors monté à « 5 416 mètres d’altitude » avec de « simples baskets » au pied. « C’est ce qui m’a donné le goût des trails et des ultra-trails », poursuit-il.
Celui qui avait pris le départ de plusieurs Transcal franchit alors le cap de l’ultra-trail deux ans plus tard, lors du Grand Raid de La Réunion. « C’était le premier mais aussi le plus long, nous avions fait 152 kilomètres avec 9 000 mètres de dénivelé positif. J’avais terminé en 47 heures après avoir dormi seulement trois heures », se remémore-t-il.
Depuis, les kilomètres se sont enchaîné. En Calédonie, en Nouvelle-Zélande, en Australie, au Japon, en Métropole, à La Réunion ou encore en Andorre. L’Ultra Trail du Mont-Blanc, la Diagonale des Fous, le trail de Bourbon… Autant de courses mythiques auxquelles le Calédonien d’adoption, arrivé « à l’âge de 6 ou 7 ans » sur le Caillou, a participé.
Du rallye au trail
Pour arriver au bout de ses objectifs, « Dédé » s’entraîne chaque semaine, « environ trois fois, parfois quatre ». « Je n’aime pas les coachs, donc je cours aux sensations », dit-il. Que ce soit sur route, où il avale « maximum 12 kilomètres sur Pierre-Vernier » en semaine, ou sur piste lors de sorties de « 2 à 3 heures à Dumbéa ou au parc de la rivière Bleue » le week-end.
Sa fille cadette, Estelle, technicienne informatique de 25 ans, l’accompagne parfois. Il lui a transmis cette passion. Dimanche, elle était également présente au trail des Cagous sur le 25 kilomètres avant d’attendre sereinement l’arrivée de son père. « Au départ, quand il partait sur des courses, j’avais un peu peur. Mais maintenant ça va, on a l’habitude. Il retrouve toujours une balise, même quand il se perd et qu’il fait 20 kilomètres supplémentaires », glisse-t-elle, sourire en coin.
L’année prochaine, ils pourraient bien s’envoler ensemble pour la Nouvelle-Zélande afin de participer à la Tarawera. « Je l’ai déjà faite deux fois », glisse André Bedas.
A moins que cela ne soit à La Réunion alors qu’Estelle voudrait s’aventurer sur les 60 kilomètres de la Mascareigne. Quoi qu’il en soit, ce sera l’occasion pour l’ancien passionné de rallye, qui a notamment remporté le dernier Safari calédonien en 1979, d’avoir de nouvelles anecdotes à raconter. Et, on vous l’assure, elles sont nombreuses. De la tisane « ascenseur » avalée lors d’un trail à La Réunion, en passant par le col à son nom au sein du parc de la rivière Bleue, celui qui travaillait dans la location de voitures à de longues, longues histoires à conter. Avec passion et émotion.