LNC du 17/10/2021 : Il y a trente ans, le Raid Gauloises

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Il y a trente ans, le Raid Gauloises

L’équipe calédonienne (où figuraient aussi des Métropolitains), soutenue par Gan, l’avait emporté. Photo D.R.
La 3e édition de cet exigeant raid multisports, disputé en équipes dans des pays différents chaque année, s’est élancée de l’île des Pins le 19 octobre 1991. Des Calédoniens s’étaient imposés, au terme d’une course de plusieurs jours, en pirogue, en kayak, à pied et à cheval.

En 1991, le Raid Gauloises, un trek nature de plusieurs jours sur différents supports, mis sur pied par le reporter Gérard Fusil, a déjà connu deux éditions. La première en Nouvelle-Zélande, l’autre au Costa Rica. La course organisée chez nos voisins kiwi ayant suscité l’attention de quelques Calédoniens, ils décident de se rendre sur place. “On y a rencontré l’organisation”, se souvient Patrick Ventura, qui venait tout juste de monter la société Challenge Organisation, devenue depuis un acteur majeur du trail calédonien. “Et puis on a commencé à bosser et nous avons sélectionné une équipe pour représenter la Nouvelle-Calédonie au Costa Rica”, poursuit le sexagénaire.

Solution rapide

En Amérique centrale, les Calédoniens réussissent leur baptême du feu sur un Raid Gauloises, en prenant la 4e place. Patrick Ventura, alors manager d’une équipe composée de sportifs aguerris, comme le médaillé aux Jeux du Pacifique Éric Becker, poursuit son travail relationnel avec l’organisation. Quelques mois plus tard, l’Éthiopie, pays prévu pour accueillir la 3e édition, bascule dans la guerre civile. “En mars 1991, je reçois un appel de Gérard Fusil qui avait besoin d’une solution rapide. Alors j’ai préparé un itinéraire varié, avec pour principe de base qu’il ne doit pas y avoir de transport mécanique et il est venu rencontrer les autorités.”

La venue du journaliste et aventurier sur le Caillou se fait dans la discrétion. Il reçoit notamment l’appui financier de Jacques Lafleur, alors président de l’assemblée de la province Sud. “Ça a été financé rapidement, les élus voulaient redorer l’image du pays, peu de temps après les Événements”, explique Patrick Ventura. Soutenu par la marque de cigarette éponyme, le Raid Gauloises demande alors de gros moyens de production (notamment pour la communication) comme des hélicoptères, par exemple.

Les coutumiers sont également sollicités. Le soutien du Grand chef de l’île des Pins, Hilarion Vendegou, se fait notamment sentir. “Gérard Fusil avait toujours des idées farfelues et il avait imaginé que chaque équipe puisse avoir une pirogue pour aller de l’île des Pins à Goro. Il a donc fallu construire 43 pirogues, c’était un gros pari”, sourit Patrick Ventura. Les différents clans de l’île mis à contribution, la dernière pirogue sera finalement livrée la veille du départ…

Pour rallier Goro en pirogue, 43 équipes, de cinq raideurs (dont au moins une femme), sont donc sur les rangs. Chaque formation peut compter sur deux assistants dotés d’un véhicule. L’objectif étant de rallier l’arrivée en passant par différents points de contrôle, sans GPS. La distance totale est difficile à estimer, chaque équipe choisissant son itinéraire. “C’est peut-être 190 ou 400 km, tout dépend du terrain”, estime Éric Becker, capitaine de l’équipe Gan en 1991.

Yaté asséché

Une fois le prologue en pirogue terminé, les équipes courent en direction du lac de Yaté où une traversée en kayak les attend. Problème : “Enercal avait vidé le lac pour entretenir le barrage”, explique Patrick Ventura. Ceci, conjugué à une grande sécheresse, et la régate se transforme en course à pied. Ironie du temps, la pluie se décide finalement à tomber quelques heures plus tard, au niveau du parc de la rivière Bleue. Après un passage dans la chaîne, les équipes rejoignent la Tontouta, dont ils atteignent l’embouchure en kayak. Là où la rivière rencontre l’océan, le règlement autorise les embarcations à se doter d’une voile, censée les pousser vers Ouano.

120 chevaux

De là, les participants encore en course bénéficient d’un bref repos, lors d’un transfert neutralisé, jusqu’à la tribu d’Atéou, à Koné. “Et là, ça a été l’autre gros défi”, appuie Patrick Ventura, avec l’épreuve du ride and run, une étape où les cinq raideurs peuvent se partager trois chevaux pour traverser la chaîne vers l’embouchure de la Tipindle, entre Touho et Hienghène. “Grâce à Patrick Ardimani, on a trouvé 120 chevaux mais il n’y avait pas assez de selles disponibles sur le territoire. On devait en avoir 80 donc dès qu’une équipe arrivait, un hélicoptère apportait les selles aux derniers.” Après ce périple équestre, le Raid Gauloise s’achève sur la côte Est. Une remontée en kayak jusqu’au bac de la Ouaième et une ascension du Mont Panié, suivie d’une descente à pied ou en parapente. L’équipe Gan termine en tête. “Nous avons mis six jours pour gagner”, rappelle Éric Becker. L’équipe calédonienne retournera sur le raid l’année suivante, au sultanat d’Oman, où elle prendra la 2place.

REPÈRES

Quelques célébrités

Outre des orienteurs aguerris, le Raid Gauloises pouvait compter sur la participation de quelques noms connus du grand public. Sur l’épreuve calédonienne, on retrouva ainsi la skieuse, médaillée olympique, Isabelle Mir, le navigateur Philippe Jeantot (qui, ironie du sort, s’est retrouvé en difficulté sur l’eau) ou l’acteur et réalisateur Bernard Giraudeau.

Comme sur des roulettes

Malgré une organisation mise sur pied en quelques mois seulement, pour remplacer l’Éthiopie, “personne n’avait remarqué” de souci logistique. “La plupart des coureurs ne savaient même pas que la Calédonie était une solution de rechange”, explique Jeannot Clair.

Un sponsor heureux

“Nous étions suivis, les médias étaient derrière nous et les Calédoniens avaient adhéré. Le personnel de notre sponsor, Gan Assurances, venait nous voir aux entraînements. La notoriété” grâce à cela “dépassait la publicité”, se souviennent Jeannot Clair, Didier Fils et Eric Becker, tous trois membres de l’équipe Gan. Pour s’entraîner, ceux qui connaissent la chaîne comme leur poche avaient l’habitude “de faire l’aller-retour en kayak vers le phare Amédée, avant d’escalader le pic Malawi”, note Didier Fils.

Le début des trails

Jeannot Claire, Didier Fils et Alain Houdan, tous trois assistants d’équipe, Patrick Ventura, organisateur, et Eric Becker, capitaine de l’équipe gagnante.

“Le Raid Gauloises, c’est un peu comme l’ancêtre des jeux comme Survivor ou Koh Lanta”, estime Jeannot Clair, assistant de l’équipe Gan en 1991. “La télévision avait réussi à en faire quelque chose de très visuel et les Américains avaient bien compris l’intérêt médiatique de ce genre de concept”, enchaîne celui qui, après les éditions au Costa Rica, en Calédonie ou à Oman, a trouvé “que l’idée de base se dénaturait”. “On manquait aussi de temps personnel, mais sinon on aurait pu continuer longtemps.” “Au début, c’était une vraie aventure sportive. Là, on fait du sport en essayant de vivre une aventure”, juge Patrick Ventura. “Et la participation de people éclipsait un peu les autres équipes, ce qui n’était pas très intéressant non plus pour les partenaires”, ajoute Jeannot Clair. Le Raid Gauloises ne survivra d’ailleurs pas bien longtemps, avec, après celle sur le Caillou, seulement neuf éditions organisées jusqu’en 2003, la dernière ayant eu lieu au Kirghizistan. “Les gens qui courent maintenant n’ont pas goût à ça, ce n’était pas le même état d’esprit.”

Transcal et raids du Nord

Sur le Caillou, l’héritage du Raid Gauloise se fait également sentir, trente ans après. “Ça a fait des petits”, résume Jeannot Clair. La décennie marque ainsi le début de la période des trails, avec une 1re Transcalédonienne organisée en 1992. Le Défi-Santé, un raid multiactivités est aussi lancé, en réaction au sponsor, le cigarettier Gauloises. Tout comme les premiers raids de la province Nord, proposés par Patrick Ventura en 1992, fort de son expérience avec les tribus sur le Raid Gauloises.

Le Dream Raid, évènement local et multisports, fera aussi partie des descendants de l’épreuve, avant de disparaître, faute de budget. C’est souvent le problème pour ce type de course, nécessitant un important soutien logistique. “Mais sinon, il y a de quoi faire en Calédonie.” Aujourd’hui, il est en effet possible d’aller courir presque tous les week-ends sur un trail en compétition. “Si on m’avait dit ça, il y a trente ans…”, glisse Patrick Ventura.

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