
Koné, juillet 2012. Dominique Ecoiffier lors de la Transcalédonienne.
Une course où il avait terminé troisième avec son équipe lors de l’édition 2014.
Photo Collection Famille Ecoiffier
«Que votre Dieu vous garde. » La phrase vient conclure la lettre confirmant sa participation à la Barkley. Guère rassurant. Mais pas de quoi déstabiliser Dominique Ecoiffier. « Ça fait partie du folklore, s’amuse-t-il. À chaque personne qu’il accepte en course, il envoie une lettre de condoléances. »
À 52 ans, le gaillard semble retomber en enfance à l’idée de partir pour les États-Unis courir cette épreuve mythique (lire par ailleurs). Il faut dire que le début de l’histoire ressemble à un jeu. « C’est un ami qui m’a parlé de cette course en fin d’année dernière, raconte le licencié de l’AS Magenta. Mais le problème, c’est que pour s’inscrire, il faut d’abord réussir à trouver l’adresse mail de l’organisation. » Et quand Dominique parle de l’organisation, c’est en fait un vieux bonhomme binoclard à la barbe blanche. C’est lui qui a créé la course il y a bientôt trente ans.
Habitué des longues distances
Il trouve son adresse au détour d’un lien hypertexte sur le Net. « Je me souviens être rentrée du travail et de l’avoir vu sauter sur place, » sourit sa femme Sabrina. Mais l’aventure ne se termine pas là.
Pour avoir l’accord de Gary « Lazarus » Canterell, inutile d’avoir un C.V. impressionnant. Ses motivations sont plus obscures. Le fait que le traileur calédonien ait participé au Tor des géants en 2014 ou au Grand Raid des Pyrénées un peu plus tôt n’intéresse pas Lazarus. Alors c’est sa femme qui prend le relais et invente une histoire. « J’ai expliqué que mon mari avait dû me saouler pour que j’accepte qu’il participe ! » Et surtout, ils ajoutent que les plaques minéralogiques de Calédonie sont très belles. Le point faible de l’organisateur, grand collectionneur. « Je suis sûr que c’est ça qui lui a plu, il ne devait pas avoir de plaques de chez nous. »
Voilà Ecoiffier parti dans les forêts du Tennessee pour une course de cinq tours identiques de 32 km avec 16 000 m de dénivelé positif, dont un passage par le tunnel lugubre de l’ancien pénitencier fédéral. Mais la plus grande difficulté, c’est que la course n’est pas balisée et que tout matériel GPS est interdit. « Il faut trouver des livres que l’organisateur a placés sur le parcours, explique Dominique Ecoiffier. Le coureur doit arracher la page qui correspond à son dossard. »
Le quinzième homme
Chaque participant a douze heures maximum pour retourner au départ pour montrer les pages à Lazarus avant de repartir pour une boucle de 32 km. A cela s’ajoute que le départ n’est donné que lorsque Lazarus allume sa cigarette.
Une course déjantée que le Calédonien prend très au sérieux. « Je suis accompagné sur place de mon coach. Entre autres, il me préparera mes repas et me soutiendra, commente-t-il. Mais pour ma préparation, j’ai également fait appel à un nutritionniste et une préparatrice mentale. »
En ce moment, il est déjà dans la forêt de Frozen Head, en camping-car. Histoire de repérer les lieux au maximum avant le départ le 2 avril et dont l’heure n’est connue que de Lazarus. « Je suis en course pour terminer, » annonce clairement le coureur. Il entrerait ainsi dans un club très fermé. Depuis 1986, seules quatorze personnes ont le titre prestigieux de « Finisher » après avoir bouclé le parcours.
Dix juin 1977, James Earl Ray, condamné à perpétuité pour l’assassinat de Martin Luther King, s’évade du pénitencier fédéral de Frozen Head.
Sa cavale durera soixante heures et 15 kilomètres. Neuf ans plus tard, sur le même terrain, Lazarus se lance le défi lors d’une soirée arrosée de parcourir la plus longue distance possible également en soixante heures.
La Barkley est née.
Mathieu Ruiz Barraud / mathieu.ruizbarraud@lnc.nc